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Flash spécial Marchés - Le marché français, une semaine après ?
Par Jean-Jacques Friedman, Directeur des Investissements
L’objectif de cette publication est de revenir sur les évolutions rapides de la perception des investisseurs au cours de la semaine écoulée et des niveaux de marchés sur lesquels nous sommes intervenus dans ce contexte.
Le risque politique refait surface en Europe avec l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale
Si les résultats des élections européennes ont été conformes aux attentes et aux sondages, l’effet de surprise et le retour consécutif de la volatilité sur les actions et les taux, sont liés à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale française, entrainant de nouvelles élections législatives dans un délai très court de trois semaines.
Plus précisément, les volets économiques des formations Rassemblement National puis Front Populaire ont été pointés du doigt, alors même que l’agence de notation Standard & Poor’s venait tout juste de dégrader la note de la dette française de AA à AA-.
L’annonce d’un déficit supérieur aux attentes pour les comptes de la Sécurité Sociale (+6 milliards d’euros) et la réévaluation, en avril, du déficit budgétaire pour 2024 (à 5,1% contre 4,4% initialement prévu), sont les principales causes de cette dégradation. Ces évènements politiques surviennent donc dans un contexte d’affaiblissement de la perception de la dette française, qui apparait aujourd’hui la plus dégradée parmi ses partenaires européens.
Des investisseurs qui se concentrent en priorité sur le risque de taux en France
Dans ce contexte, les programmes économiques du Rassemblement National - avec plusieurs mesures non financées - ont logiquement suscité interrogations et inquiétudes. Etant donné que le sujet de la dette publique est au cœur de ces enjeux, le marché s’est donc focalisé en priorité sur les conséquences du au coût de financement de la dette française, prenant en référence la rémunération de la dette allemande (Bund) qui bénéficie de la meilleure notation de crédit (AAA).
Le taux de l'emprunt d'Etat français à 10 ans a ainsi vu sa « prime* » bondir de plus de 25 points de base face au Bund depuis le vendredi 7 juin, atteignant 3,14% contre 2,36% pour son équivalent allemand. Et le différentiel de taux entre la France et l’Allemagne - inférieur à 50 points de base avant les élections - s’est alors écarté à près de 78 points de base sur la semaine, reflet des craintes vis-à-vis de la situation financière de la France.
Rappelons que ce différentiel avait atteint près de 80 points de base avant le premier tour des élections présidentielles de 2017, au moment où un duel possible entre JL. Mélenchon et M. Le Pen était envisagé comme second tour possible. La question de la sortie de l’euro était alors évoquée. Ce niveau de 80 points de base, que les investisseurs ont gardé en mémoire, peut bien sûr être de nouveau atteint, avec un risque de surréaction, toujours possible, le temps de la campagne.
Le grand écart des marchés américains et européens cette semaine
Pour autant, si l’accroissement du différentiel de taux avec l’Allemagne peut matérialiser ici une certaine défiance à l’égard de la France, il convient toutefois de souligner qu’il est surtout expliqué par la baisse des taux allemands qui ont bénéficié du « flight to quality** » plutôt qu’à une véritable tension sur le taux à 10 ans français. Ce phénomène de « grand écart » également constaté avec les taux longs américains, est lui aussi lié à une baisse plus importante du taux à 10 ans américain suite à la confirmation de la décélération de l’inflation aux Etats-Unis en mai.
Et dans ce contexte, il est aussi pertinent de relever que, pendant que les actions européennes cédaient 4% sur la semaine et plus de 6% pour les indices français, les indices américains inscrivaient des plus hauts historiques. Cet élément, au-delà des turbulences à court terme, pourra représenter une première force de rappel pour les marchés européens.
La question de l’exécution du programme du Rassemblement National
Au-delà des aspects sociétaux du programme du RN, ce sont les mesures axées autour de la défense du pouvoir d’achat et du protectionnisme qui font l’objet de spéculations de la part des investisseurs. Plusieurs pans mis en avant par leur programme ont impacté spécifiquement certains secteurs, et notamment la renationalisation évoquée des autoroutes pour baisser les frais de péage, la reprise des subventions octroyées précédemment sur certains programmes énergétiques, ou bien encore la privatisation de l’audiovisuel. La baisse des marchés s’est ainsi focalisée sur le secteur de la construction - en lien avec les autoroutes - et les banques françaises et italiennes accusant les mêmes reculs du fait de l’écartement des taux. Mais ce sont surtout les mesures plus générales comme l’abaissement de la TVA à 5,5% sur les carburants et l’électricité, le retour en arrière possible sur la réforme des retraites et la réindexation automatique des pensions sur l’inflation, ou l’exonération de l’impôt sur le revenu des jeunes de moins de 30 ans, qui sont immédiatement questionnées. Et c’est l’abrogation ou le report de certaines de ces mesures qui conditionneront le retour à une volatilité moindre.
L’Italie comme référence, mais Rome ne s’est fait pas faite en un jour
Les investisseurs se sont référés très rapidement au cas italien pour anticiper qu’il y aurait, de fait, une pratique du pouvoir très différente des engagements de campagne, en prenant l’exemple de G. Meloni, et notamment son attitude qui s’est révélée constructive par rapport à l’Union Européenne. Le parallèle avec l’exemple italien - où des mesures essentiellement symboliques ont été mises en œuvre - démontre que l’exercice du pouvoir diffère des mesures annoncées. Mais au-delà de ces anticipations légitimes, il faut au préalable que le marché prenne acte de signaux forts, comme l’avait été celui de s’appuyer notamment, pour G. Meloni, sur les conseils de M. Draghi. Les mots magiques
« d’audit des comptes », qui permettent de se dédouaner de certaines promesses de campagne, seront bien sûr avancés et permettront les remises en question concrètes de plusieurs mesures.
Des indices français qui ont effacé leurs gains depuis le début de l’année
Avec la baisse enregistrée sur la séance du vendredi 14/06, le marché français a renoué avec ses niveaux de début d’année, entrainant dans son sillage les indices européens.
Nous avons profité de ces niveaux de valorisation plus attractifs pour renforcer les expositions actions dans nos portefeuilles (passage d’une position neutre à surpondérée).
Si la dissolution du Parlement français ouvre sans conteste une phase d’incertitudes politiques, les actions européennes devraient pour autant continuer de bénéficier de :
- l’amélioration des perspectives de croissance notamment liées au plan de relance REPowerEU (importants investissements à l’échelle de l’Union Européenne pour la mise en place d’un système énergétique plus autonome),
- l’évolution de la politique des taux de la BCE, suite à la première baisse initiée début juin,
- la solidité des résultats des entreprises, confirmée lors des publications du premier trimestre.
Achevé de rédiger le 17 juin 2024
*Prime : ici surcroît de rendement exigé par les investisseurs sur l’emprunt d’Etats Français à 10 ans par rapport à leur équivalent allemand (Bund) considéré comme sans risque.
**Mouvement de fuite vers les actifs considérés comme plus sûrs