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- Etats-Unis : Sociologie des élections par Sophie Ginisty
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Les opposants à D. Trump lui imputent les fractures de la nation Américaine, mais elles étaient préexistantes à son élection et expliquent également, en grande partie, sa victoire de 2016. Selon le laboratoire sur les inégalités mondiales – World Inequality Database – l’écart de richesse entre les plus riches et les plus pauvres avait en effet plus que doublé entre 1989 et 2016. Aujourd’hui, cet écart continue de se creuser et le réduire est d’ailleurs devenue l’une des priorités de la Fed.
Une fraction de la population américaine, fermiers, ouvriers, commerçants, qualifiée « d’Amérique profonde », se sent ainsi abandonnée par l’intelligentsia. Parfois comparée aux Gilets Jaunes, cette partie de la population a perdu l’illusion de la grandeur de l’Amérique.
Avant le covid, la situation des Etats-Unis était plutôt positive sur le plan économique, et pouvait même laisser présager une réélection de D. Trump avec notamment le soutien de la part de son parti. Depuis la survenue de la pandémie, les cartes ont été rebattues. Même si les sondages montrent un plus grand écart entre les deux candidats, l’issue de l’élection reste incertaine. Les présidentielles de 2016 en sont en bon exemple.
Avec le slogan « Make America Great Again », D. Trump avait le soutien de la classe moyenne blanche en 2016. L’Amérique profonde avait l’impression d’être enfin entendue. Le Président avait promis beaucoup de choses : retour des emplois, des usines…rien de tout cela ne s’est produit. Qu’en est-il aujourd’hui de ce soutien ?
Dans la campagne, J. Biden n’attise pas les clivages et ne répond pas aux provocations de son adversaire. Il tient un discours modéré, sans vouloir nécessairement faire plaisir à l’aile gauche de son parti. J. Biden serait un choix par défaut. Toutefois, il ne faut pas occulter la possibilité d’une surprise avec des votes cachés pour D. Trump, que les électeurs n’osent pas « avouer ».
Beaucoup d’américains ne votent pas…
Lors de la précédente élection présidentielle, H. Clinton avait remporté le suffrage populaire mais 94 millions ne s’étaient pas exprimés…ce qui est colossal. Pour autant, elle avait perdu celui des grands électeurs car le suffrage américain est indirect. En effet, les grands électeurs, ont la charge d’élire le Président. On compte autant de grands électeurs que de nombre de sièges au Congrès (Sénat et Chambre des Représentants). En outre, curiosité américaine, si dans un Etat un parti l’emporte, ce parti se verra attribué tous les grands électeurs. C’est le fameux « winner takes it all ».
Par le passé, les Etats-Unis ont souvent tenté de restreindre le droit de vote à certaines populations. La situation était telle que le Président Johnson en 1965 a été à l’initiative d’une loi importante - Voting Righting Act - indiquant que toutes restrictions du droit de vote étaient illégales et que seul l’Etat fédéral était habilité à décider. Par consensus, les deux partis ont régulièrement renouvelé cette loi fondatrice. D’ailleurs, c’est dans cette même logique d’inciter plus de gens à voter que le vote par correspondance a vu le jour… Tant et si bien qu’en 2008, les exprimés, et notamment parmi les électeurs noirs, ont fortement augmenté. Le consensus autour de la Voting Righting Act s’est ensuite effiloché et la Cour Suprême l’a supprimée en 2013 : chaque Etat peut changer les règles, sans accord fédéral.
D’autres moyens sont utilisés pour rendre le vote compliqué ou le dissuader : des fermetures de bureaux de vote, rendant impossible de voter pour certaines personnes ne pouvant se déplacer, comme la mise en place de lois très strictes pour s’inscrire sur les listes…
Malgré les enquêtes demandées par D. Trump, les cas avérés de fraude électorale ont été très rares. Néanmoins, il est vrai qu’en votant par correspondance, le risque est grand d’avoir un bulletin considéré comme incorrect, notamment si la signature est mal placée ou s’il n’arrive pas dans les temps.
L’enjeu du Sénat, en parallèle des élections présidentielles
Outre le résultat des élections, l’important sera de voir si les Républicains conservent la majorité au Sénat. Pour la Chambre des Représentants, le nombre d’élus dépend de la population de l’Etat. A l’inverse, pour le Sénat, chaque Etat a deux sénateurs, sans considération du nombre d’habitants. Ainsi, les petits Etats comptent autant que les grands. Cette règle qui n’a jamais évolué, bien que la photographie de la population américaine ait changé, crée de fait un avantage aux Républicains. En effet, les petits Etats, dont la population est majoritairement conservatrice, permettent aux Républicains d’être bien représentés au Sénat.
Les présidentielles américaines font ressurgir les clivages entre deux « Amérique » et constituent l’enjeu de l’issue des élections aujourd’hui.